Longtemps symbole des cérémonies du thé japonaises, le matcha est devenu en quelques années l’icône des coffee shops parisiens. Plus qu’une simple tendance, cette poudre verte ultra-fine s’impose comme un véritable phénomène économique et culturel. En 2025, les ventes de matcha ont progressé de +45 % en France selon NielsenIQ, et plus de 1,2 million de consommateurs en consomment régulièrement. Mais comment cette boisson zen, millénaire et végétale, est-elle devenue le nouvel or vert des baristas ?
Originaire du Japon, le matcha – poudre de thé vert moulue à la pierre – est utilisé depuis le XIIᵉ siècle par les moines bouddhistes pour favoriser la concentration et la méditation. Son exportation vers l’Occident s’est accélérée au début des années 2010, portée par la vague du healthy lifestyle et des influenceurs bien-être. Le marché mondial du matcha a atteint 3,8 milliards de dollars en 2024 et devrait franchir la barre des 6 milliards d’ici 2029, avec une croissance annuelle de près de 10 %. Le moteur principal ? Les Millennials et la génération Z, sensibles à la naturalité, à la durabilité et au visuel photogénique du matcha latte, devenu une star sur Instagram et TikTok (#matchalatte cumule plus de 25 millions de publications).
Le matcha n’est pas qu’une boisson : c’est une posture. Faible en caféine mais riche en L-théanine (acide aminé relaxant), il promet une énergie douce sans pic de nervosité. La consommation régulière de matcha améliore la concentration et réduit le stress oxydatif. En France, 68 % des consommateurs de matcha déclarent le choisir pour ses bienfaits santé plutôt que pour son goût, d’après le rapport Statista Consumer Insights France 2024.
Derrière la mousse verte, se cache un business juteux. Un kilo de matcha premium japonais (qualité « ceremonial grade ») coûte entre 90 et 130 € à l’achat, mais permet de servir près de 80 boissons vendues autour de 6 à 8 € pièce à Paris — soit une marge brute supérieure à 70 %.
Les enseignes spécialisées comme Umami Matcha Café, Cafe Kitsuné, Matcha Social Club ou Matsuri Matcha ont bâti leur notoriété sur cette équation rentable : esthétique + santé + exclusivité. Certains coffee shops affichent désormais le matcha latte comme leur produit le plus vendu, devant l’espresso traditionnel. La France fait partie des trois marchés européens les plus dynamiques sur le segment du thé vert premium. Entre 2020 et 2024, les importations de matcha japonais ont augmenté de +150 %, selon les données douanières japonaises (JETRO).
À Paris, le mouvement a commencé dans le Marais et autour de Saint-Germain-des-Prés, avant de s’étendre à Lyon, Lille et Bordeaux. Le matcha latte y incarne une forme de slow coffee : une préparation artisanale, photographiée sous tous les angles.
Les coffee shops indépendants ont fait du matcha un levier d’identité :
Le succès du matcha ne se limite pas aux cafés : il explose sur les réseaux. Sur TikTok, le hashtag #matchatok a dépassé les 600 millions de vues. Chaque publication est une symphonie visuelle : cuillère en bambou, poudre tamisée, lait onctueux, slow-motion hypnotique. Les influenceuses wellness (Emma Chamberlain, Jeanne Damas, Chloé Bleinc) ont fait du matcha leur morning routine. Leur discours — équilibre, douceur, beauté naturelle — s’oppose à l’image nerveuse de l’espresso, perçu comme un carburant de bureau. Pour Café Kitsuné, ces vidéos sont de véritables campagnes gratuites : l’enseigne revendique une hausse de +30 % de fréquentation dans les semaines suivant une vidéo virale.
Le duel entre l’espresso et le matcha est symbolique : deux visions du monde s’affrontent.
Les deux boissons coexistent dans les coffee shops, mais la tendance montre une évolution : selon une étude de Euromonitor (2024), 41 % des jeunes Français de 18 à 34 ans préfèrent désormais les boissons à base de thé ou d’alternatives végétales, contre 29 % pour le café noir.
Face à la demande croissante, les producteurs japonais (principalement des régions d’Uji, Nishio et Shizuoka) peinent à suivre. Les exportations de matcha ont doublé entre 2018 et 2024, selon le Ministère japonais de l’Agriculture. Cette tension sur l’offre favorise la prolifération de faux matcha : des mélanges colorés ou des poudres chinoises de moindre qualité, vendus sous étiquette premium. L’association Japan Tea Central Association alerte sur la traçabilité : plus de 35 % du matcha vendu en Europe ne provient pas du Japon. Les coffee shops les plus exigeants, eux, affichent désormais la provenance et le grade sur leurs cartes, comme pour un grand cru.
L’avenir du matcha s’annonce aussi vert que sa mousse. Les géants du food business (Nestlé, Starbucks, Nespresso) investissent massivement le segment. Starbucks a lancé en 2024 un Iced Matcha Oat Latte dans toute l’Europe, et Nespresso prépare sa première capsule au matcha bio pour 2026. La diversification s’accélère : matcha glacé, pâtisseries, cosmétiques, voire bières aromatisées. Selon Fortune Business Insights, le marché du matcha pourrait croître de 9,5 % par an jusqu’en 2032, porté par les innovations produits.
« Le matcha n’est plus un simple ingrédient, c’est un univers à part entière », conclut Yuki Tanaka, experte en gastronomie japonaise. Entre tradition et digitalisation, cette poudre millénaire a trouvé la recette parfaite pour conquérir le monde : une esthétique virale, une promesse santé… et des marges dignes d’un grand cru.
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